M. Fontannaz u.a.: Le district de la Broye-Vully I

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Title
Le district de la Broye-Vully I.


Author(s)
Fontannaz, Monique; Pradervand, Brigitte
Series
Les Monuments d’art et d’histoire du canton de Vaud
Published
Berne 2015: Société d'histoire de l'art en Suisse
Extent
483 S.
by
Laurent Auberson

Aux lecteurs de la RHV, il n’est assurément besoin de présenter ni les auteures, spécialistes renommées des monuments, ni la célèbre collection dans laquelle s’inscrit ce volume. C’est le huitième concernant le canton de Vaud. La carte à l’intérieur de la couverture montre l’avancement très inégal de l’entreprise des Monuments d’art et d’histoire à l’échelle suisse. Les territoires déjà couverts dans le canton de Vaud se répartissent exclusivement le long de la côte lémanique et de l’axe de la Broye, deux régions qui aujourd’hui sont en fort contraste économique l’une avec l’autre.

La région ici étudiée couvre la partie méridionale du nouveau district de la Broye-Vully, soit une partie du Jorat et la vallée de la Broye, jusqu’en amont de Payerne et Moudon exclue, qui a déjà fait l’objet d’un volume des MAH. Dans une approche régionale de l’histoire de l’art monumental, il faut ici bien sûr, du moins pour le Moyen Âge, tenir compte du caractère arbitraire de l’actuelle frontière cantonale, qui exclut – pour ne citer que cet exemple – le château de Surpierre, enclave fribourgeoise. Vouloir par ailleurs conclure de la discrétion économique et touristique de cette région qu’elle ne posséderait guère de monuments remarquables – le château de Lucens mis à part – serait cependant une erreur.

C’est ce qui apparaît immédiatement à la lecture du volume. Dans une présentation bien structurée, l’ouvrage commence par une description de la région, sur une quarantaine de pages, agrémentée de cartes anciennes et de photographies en couleurs des paysages actuels, là où se reconnaît encore l’organisation ancienne de l’habitat. L’introduction géographique et historique est suivie d’un «survol architectural et artistique», classé par genre d’ouvrages, dont sont présentées les principales caractéristiques générales propres à la région, ou des bâtiments tout à fait remarquables: ouvrages défensifs et châteaux seigneuriaux, lieux de culte, maisons de commune et collèges, autres bâtiments publics, maisons paysannes. Pour ces dernières, dans une région fortement rurale, la sélection n’a retenu que les maisons d’un intérêt historique ou artistique particulier pour ne pas reprendre ce qui figure déjà dans la collection Les maisons rurales du canton de Vaud.

L’essentiel du livre est constitué par la description détaillée des localités et de leurs principaux monuments. Les chapitres correspondent à une division en six secteurs: le Jorat entre Broye et Mérine, le château de Lucens avec ses bourgs et la chapelle, la ville de Lucens, les environs de Lucens, Villarzel, les environs de Villarzel.

L’introduction est substantielle et se lit comme un manuel d’histoire et d’histoire de l’art régionale, qui en amenant les informations les plus importantes et en nous familiarisant déjà avec des noms et des réseaux de maîtres d’oeuvre et d’artisans, nous révèle la richesse du territoire étudié. Celle-ci tient notamment, pour le Moyen Âge, à l’action des deux grands acteurs féodaux: la maison de Savoie et l’évêché de Lausanne. Il est évident que cette situation de concurrence féodale a laissé une forte empreinte dans le paysage bâti. Face aux Savoie bien établis à Moudon, les évêques marquent leur présence dans leur petite enclave: outre le château de Lucens, on doit aussi à ce climat d’émulation celui de Villarzel, par exemple (châtellenie épiscopale), ou l’église de Treytorrens avec son étonnant porche flamboyant, inattendu en un lieu aussi retiré. Les édifices de prestige, en tant qu’insignes du pouvoir, passèrent en 1536 aux nouveaux maîtres du Pays de Vaud, qui les conservèrent et les réutilisèrent dans leur organisation territoriale et administrative. Les auteures décrivent très bien, dans l’introduction et dans les présentations monographiques, l’effet de la «réaction féodale» du XVIIe siècle (p. 33), époque de la consolidation d’un réseau de seigneuries rurales qui étaient loin d’être insignifiantes et dont les détenteurs étaient soucieux de s’afficher : d’où des ouvrages tels que les châteaux de Syens ou de Corcelles-le-Jorat par exemple. La marque féodale se retrouve naturellement aussi dans les constructions religieuses, et le cas le plus frappant est sans doute celui du temple de Ropraz, dont l’espace intérieur et l’ameublement (bancs) reflètent cette appropriation seigneuriale. Qui dit seigneuries rurales dit aussi ressources agricoles et des fermes souvent cossues. Ainsi à Hermenches, le couple constitué par le château et sa ferme est une illustration éloquente de la richesse de cette campagne.

Le lecteur appréciera, dans l’abondante iconographie, la place généreuse laissée à la couleur, qui met en valeur non seulement les vitraux ou les peintures murales, mais aussi d’anciens plans ou vues. Remarquons au passage la judicieuse superposition, au début de chaque notice communale, du plan de la localité au XIXe siècle et du cadastre actuel.

L’index rendra de précieux services, mais il aurait sans doute gagné à être dissocié en index des noms de lieux, des noms de personnes et des thèmes

Ce livre remplira donc, pleinement et pour longtemps, sa fonction d’ouvrage de référence. Il est aussi le premier volume vaudois dans la nouvelle présentation de la collection. Ici cependant, de sérieuses réserves s’imposent. Toute nouveauté n’est pas bienvenue par le seul fait qu’elle innove. Chacun des six chapitres correspondant à un secteur géographique s’ouvre sur une carte d’ensemble montrant l’étendue des communes étudiées. Le système de numérotation des bâtiments, sur la carte et sur la liste en regard, demande un certain effort de compréhension, d’autant plus qu’il concurrence une numérotation d’assurance incendie (ECA) incomplète et d’utilité douteuse. Mais le plus grave est la cartographie, qui ne mérite pas même ce nom. Le lecteur trouve sous ses yeux, sans aucune légende (!), une surface entièrement couverte de taches de différents tons de vert et de jaune (forêts? champs cultivés? milieu bâti ancien ou actuel?). L’effet d’ensemble est celui d’une amusante composition graphique en tissu camouflé à la mode, sans aucune valeur scientifique ni utilité pratique évidente. Pareil ratage fait injure à la qualité du texte et à la vocation de la collection. La cartographie est une science qui a ses exigences. En les ignorant souverainement, la Société d’zistoire de l’art en Suisse a fait un tort non négligeable à sa réputation. Si tant est qu’il y ait eu nécessité irrépressible d’innover la conception graphique de la collection, un choix vraiment novateur et judicieux eût été de passer au format A4, qui donnerait une meilleure lisibilité aux plans et alignerait les volumes des MAH sur ceux des Maisons rurales de Suisse.

Zitierweise:
Laurent Auberson: Monique FONTANNAZ et Brigitte PRADERVAND: Le district de la Broye-Vully I, Berne: Société d’histoire de l’art en Suisse (Les Monuments d’art et d’histoire du canton de Vaud 8/ Les Monuments d’art et d’histoire de la Suisse 128), 2015. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 124, 2016, p. 301-302.

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Revue historique vaudoise, tome 124, 2016, p. 301-302.

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